L’Espagne : entre héritage islamique et antisémitisme persistant
L’Espagne, marquée par huit siècles d’islamisation puis l’expulsion des Juifs et des musulmans en 1492, reste aujourd’hui l’un des pays les plus antisémites d’Europe. Un héritage historique et culturel toujours présent.

Quand on pense à l’antisémitisme en Europe, on cite souvent la France ou la Belgique, marquées par les tensions communautaires actuelles. Pourtant, un autre pays de l’Union européenne ressort régulièrement dans les enquêtes internationales : l’Espagne. Pour comprendre ce paradoxe, il faut revenir à son histoire.
Al-Andalus : huit siècles d’islamisation
En 711, les armées musulmanes venues du Maghreb franchissent Gibraltar et battent les Wisigoths. Commence alors la période d’Al-Andalus, qui durera près de huit siècles. Cordoue, Séville ou Grenade deviennent des centres intellectuels et artistiques majeurs, où cohabitent — non sans tensions — musulmans, chrétiens et juifs.
Cet âge d’or, souvent idéalisé, n’était pas exempt de discriminations : les Juifs et les chrétiens vivaient en « dhimmis », tolérés mais soumis à l’impôt et à des restrictions.
La Reconquista et l’expulsion de 1492
À partir du nord chrétien, les royaumes espagnols mènent la Reconquista, reprenant progressivement le territoire. La chute de Grenade en 1492 marque la fin de l’Espagne musulmane. La même année, les Rois Catholiques signent l’édit de l’Alhambra, ordonnant l’expulsion de tous les Juifs non convertis, bientôt suivis par les musulmans.
Cette double expulsion ancre profondément l’idée d’une Espagne catholique homogène, se construisant en opposition aux « autres » : Juifs et musulmans.
Une mémoire marquée par le catholicisme
Pendant des siècles, le catholicisme espagnol a alimenté une méfiance vis-à-vis des Juifs, accusés de déicide. Même après Vatican II, qui a modifié le discours officiel de l’Église, cette méfiance culturelle est restée ancrée dans certaines mentalités.
Un antisémitisme sans Juifs
Contrairement à la France ou à l’Allemagne, l’Espagne n’a pas vu renaître une forte communauté juive après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle compte moins de 50 000 Juifs. Cette quasi-absence a favorisé un antisémitisme « abstrait », où les Juifs sont un fantasme historique plus qu’une réalité sociale.
Une politique étrangère pro-palestinienne
Depuis la transition démocratique, Madrid a affiché une politique étrangère très pro-palestinienne. Dans l’opinion publique, cela se traduit par un rejet d’Israël qui se confond souvent avec un rejet des Juifs eux-mêmes.
Les chiffres alarmants
Les enquêtes de l’Anti-Defamation League (ADL) montrent qu’environ 30 % des Espagnols adhèrent encore à des stéréotypes antisémites, un taux bien supérieur à celui observé en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Un paradoxe européen
L’Espagne n’est ni le pays le plus islamisé, ni celui où vivent le plus de Juifs. Mais son histoire — entre islamisation médiévale, reconquête catholique et expulsions massives — a laissé une empreinte profonde. Aujourd’hui encore, ce passé continue d’alimenter un antisémitisme structurel, bien au-delà des réalités démographiques.

Le 15 septembre 2025