Le Congo, l’uranium et la bombe : ce que l’Histoire a préféré oublier

Le 6 août 1945, la ville japonaise d’Hiroshima est anéantie par la première bombe atomique de l’Histoire. Ce que peu de gens savent, c’est que cette arme dévastatrice a été fabriquée avec de l’uranium extrait du sol africain, plus précisément de la colonie belge du Congo.
Une mine invisible, mais stratégique
La mine de Shinkolobwe, située au Katanga dans le Congo belge, renfermait l’uranium le plus pur jamais découvert : jusqu’à 65 % de teneur, contre à peine 1 % ailleurs dans le monde. Exploitée par l’Union Minière du Haut-Katanga, cette mine était si stratégique qu’elle n’apparaissait même pas sur les cartes officielles.
Edgar Sengier, le Belge qui a anticipé l’Histoire
Dès 1940, Edgar Sengier, directeur de l’Union Minière, comprend que la guerre à venir ne se gagnera pas seulement avec des chars et des avions. Il envoie alors discrètement 1 200 tonnes d’uranium à New York — bien avant que les États-Unis n’entrent officiellement en guerre.
Ce stock, d’une valeur scientifique et militaire inestimable, sera utilisé plus tard dans le cadre du projet Manhattan, qui mènera à la construction des bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki.
Un accord discret entre industriels et Alliés
Ce transfert massif de minerai ne s’est pas fait dans le vide. Il a été validé par le gouvernement belge en exil à Londres, notamment par le ministre des Colonies Albert de Vleeschauwer. Les États-Unis, conscients de la richesse de cette mine, envoient des agents pour sécuriser la filière d’approvisionnement.
Contrairement à ce que certains pourraient croire, le roi des Belges, Léopold III, n’a jamais participé à ces décisions : il était isolé en Belgique occupée, sans lien direct avec les opérations coloniales ou les négociations avec les Alliés. Le pouvoir réel sur le Congo belge, durant cette période, était entre les mains du gouvernement en exil et des élites économiques belges.
La bombe d’Hiroshima : made in Congo belge
La bombe « Little Boy » larguée sur Hiroshima contenait de l’uranium enrichi issu de la mine de Shinkolobwe. Des sources officielles américaines comme l’Atomic Heritage Foundation, le National Museum of Nuclear Science ou encore la BBC confirment que l’uranium congolais fut décisif dans la réussite du projet Manhattan.
Ironie amère : alors que l’Afrique était totalement absente des grandes conférences internationales d’après-guerre, elle avait fourni sans le savoir la matière première de l’arme la plus destructrice jamais conçue.
Ce que l’Histoire a préféré enterrer
Ni le Congo ni les Congolais n’ont jamais été mentionnés dans les récits officiels de la victoire alliée ou de la dissuasion nucléaire. Le rôle de la Belgique coloniale, lui aussi, a été minimisé, sinon volontairement effacé.
Et pourtant, derrière la gloire scientifique du projet Manhattan, il y avait une exploitation brutale des ressources africaines, organisée dans l’ombre, à des milliers de kilomètres des débats sur la démocratie et la liberté.
Conclusion
Comprendre ne signifie pas accuser aveuglément. Mais il est essentiel de rappeler que la puissance nucléaire américaine doit beaucoup à l’uranium congolais… et donc à la Belgique coloniale.
Ce pan d’Histoire reste largement méconnu. Et c’est peut-être parce qu’il dérange, autant qu’il éclaire.
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