Logo informative.be représentant un œil dans un globe

informative.be

Comprendre le monde… faute de pouvoir le changer !

Quand la France a aidé l’ayatollah Khomeini : coup politique ou coup pétrolier ?

Valéry Giscard d’Estaing, président de la République, reçoit l’ayatollah Khomeini en exil en 1978. Un moment historique à la portée géopolitique insoupçonnée.

L’exil confortable d’un futur Guide suprême

En 1978, alors que l’Iran gronde contre le régime du Shah, la France de Valéry Giscard d’Estaing ouvre ses portes à l’ayatollah Rouhollah Khomeini. Expulsé d’Irak sous pression du pouvoir iranien, le chef spirituel chiite s’installe dans un paisible village français : Neauphle-le-Château.

Officiellement, c’est un geste humanitaire, une application du droit d’asile et de la liberté d’expression. Mais dans les faits, Khomeini profite de ce séjour pour diffuser ses messages révolutionnaires. Grâce aux cassettes audio distribuées clandestinement en Iran, il devient la voix d’un peuple en colère, prêt à renverser la monarchie.

Le vol Air France qui changea l’Histoire

Le 1er février 1979, l’ayatollah quitte la France à bord d’un avion affrété par Air France, direction Téhéran. Ce vol restera gravé dans l’Histoire : non seulement pour son symbolisme, mais aussi pour son rôle dans l’effondrement du régime du Shah. À son retour, Khomeini est accueilli comme un messie par des centaines de milliers d’Iraniens. Moins de deux semaines plus tard, la monarchie s’écroule et la République islamique d’Iran est proclamée.

Ce moment marque un tournant majeur. Pour la première fois depuis longtemps, un islam politique triomphe publiquement sur la scène mondiale. Et la France y a indirectement contribué.

L’ombre du pétrole sur un geste diplomatique

Derrière l’apparente générosité républicaine de la France, certains y voient une manœuvre géopolitique habile. À cette époque, l’Iran est l’un des piliers du bloc pro-américain au Moyen-Orient. Le Shah est un allié fidèle de Washington et des multinationales pétrolières anglo-saxonnes.

La France, quant à elle, cherche à s’émanciper de cette domination et à sécuriser ses propres intérêts énergétiques via Elf Aquitaine. Accueillir Khomeini, c’est potentiellement se positionner pour l’après-Shah, si le régime venait à tomber. Ce qui fut exactement le cas.

Ce n’est donc pas exclu que la diplomatie française ait parié sur le bon cheval, dans l’espoir d’ouvrir un canal avec un futur pouvoir révolutionnaire. Mais la suite montrera que ce pari ne sera pas payant.

Un retour de bâton diplomatique

Très vite, la République islamique d’Iran devient hostile à l’Occident, y compris à la France. Les tensions s’accumulent, les contrats sont remis en cause, et l’Iran soutient indirectement des groupes hostiles à Paris. Dans les années 80, plusieurs attentats meurtriers frappent la capitale française, dans un climat de tension entre services de renseignement, factions pro-iraniennes et enjeux au Liban.

La France, en pensant s’émanciper des États-Unis et se garantir une place dans le nouveau Moyen-Orient, a contribué à installer un régime qui allait durablement compliquer ses relations internationales.

Et c’est là que tout a commencé

C’est aussi à ce moment-là que s’installe un phénomène beaucoup plus insidieux : la peur de l’Islam.

Car dans l’imaginaire collectif occidental, Khomeini devient la première figure médiatisée et mondiale d’un islam radical, intransigeant, barbu, anti-occidental. Le visage du « musulman » change. Et surtout : il devient inquiétant.

À partir de 1979, l’Occident découvre un islam qui n’est plus seulement une religion, mais un pouvoir politique, capable de renverser un régime moderne et de se dresser contre l’Occident. Peu importe que Khomeini soit chiite et que la majorité du monde musulman soit sunnite : pour la plupart des gens, ça ne fait aucune différence.

C’est là que naît l’amalgame, celui qui va pourrir le débat pendant les 40 années suivantes. Dans les journaux, les débats télévisés, les esprits : « musulman » devient synonyme de danger, de fanatisme, de menace. On oublie les nuances, les branches, les contextes. L’image du mollah lève la main dans une foule hurlante devient le prototype du musulman dans la conscience collective occidentale.

Comprendre ce point de bascule

Aujourd’hui encore, on récolte les fruits amers de cette confusion.
L’accueil de Khomeini en France, le soutien indirect à son retour, et la victoire de la Révolution islamique ont non seulement bouleversé la géopolitique du Moyen-Orient, mais ont aussi durablement abîmé la perception de l’Islam en Europe.

Maintenant je comprends pourquoi les gens ont peur de l’Islam.
Parce que pour beaucoup, tout a commencé là.
Pas dans une mosquée. Pas dans une guerre. Mais dans un pavillon tranquille des Yvelines, avec un homme en robe noire, un micro, une révolution… et un vol Air France.

France, Pouvoir et Politique
Manipulation, Politiques, Religions