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Judéo-chrétien : une alliance historique… ou une fiction politique ?

L’expression « valeurs judéo-chrétiennes » est devenue un slogan répété à l’envi, que ce soit par des politiciens, des éditorialistes ou des défenseurs de l’« identité occidentale ». À les entendre, le judaïsme et le christianisme formeraient depuis toujours un socle commun, une civilisation unie, quasi fraternelle.
Mais un rapide retour en arrière montre que cette « fraternité » n’est pas seulement exagérée : elle est historiquement fausse. Alors, pourquoi cette alliance de façade ? Et qui a intérêt à la faire exister ?

Une invention du XXe siècle pour réécrire le passé

Le terme judéo-chrétien est absent des discours historiques pendant des siècles. Il émerge surtout après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de culpabilité européenne face à l’Holocauste.
L’idée : montrer que l’Occident, après avoir persécuté les juifs, partageait en réalité les mêmes racines spirituelles.

Mais dans les faits, le christianisme s’est longtemps construit contre le judaïsme, le qualifiant de peuple « déicide », accusé d’avoir tué le Christ.
Des pogroms aux expulsions, de l’Inquisition espagnole à l’affaire Dreyfus, l’Europe chrétienne n’a cessé de rejeter les juifs.
Alors parler de « valeurs communes » relève de l’amnésie historique volontaire.

Deux religions théologiquement inconciliables

Sur le plan doctrinal, le judaïsme et le christianisme sont incompatibles.

  • Le judaïsme attend encore la venue du Messie.
  • Le christianisme affirme que Jésus est le Messie, et que l’ancienne Loi juive (la Torah) a été « accomplie » ou dépassée.

Le Nouveau Testament ne cesse de s’opposer aux pharisiens, aux scribes — c’est-à-dire aux figures religieuses juives de l’époque.
Les évangiles ne parlent pas d’un dialogue mais d’une rupture.
Bref, aucun rabbin ne se revendique « judéo-chrétien ». Le concept n’a aucun sens dans le monde religieux juif.

Un récit idéologique au service d’un rejet de l’autre

Pourquoi alors cette « réconciliation » subite au XXe siècle ?

La réponse est simple : l’ennemi a changé.

Avec l’immigration postcoloniale et l’arrivée de populations musulmanes, le discours identitaire européen a évolué.
Désormais, on oppose un « bloc judéo-chrétien » supposé éclairé à un islam perçu comme archaïque ou incompatible avec la République.
Le judaïsme devient ainsi le « bon monothéisme », celui qu’on inclut dans la « famille », pour mieux en exclure un autre.

C’est l’une des stratégies préférées de l’extrême droite contemporaine : retourner l’histoire pour en faire une arme contre les musulmans.

Le sionisme chrétien, ou la politique déguisée en théologie

Ce glissement se poursuit au niveau géopolitique, notamment aux États-Unis.

Les mouvements évangéliques pro-israéliens sont parmi les plus fervents soutiens du sionisme.
Mais leur motivation n’est ni théologique ni morale : ils croient que le retour des juifs en Terre Sainte est un signe de l’Apocalypse imminente, où Jésus reviendra juger les vivants et les morts… y compris les juifs, censés se convertir à ce moment-là.

On est donc dans l’absurde : une alliance avec des gens qu’on pense ensuite damnés, le tout au nom d’un plan divin.
Mais cette alliance sert bien un but : justifier le soutien politique et militaire à Israël, quel que soit son comportement sur la scène internationale.

Conclusion : une fiction utile, mais dangereuse

L’idée de « valeurs judéo-chrétiennes » relève plus du marketing politique que de la réalité religieuse ou historique.

C’est une manière de produire un récit identitaire, qui permet de :

  • tourner la page de l’antisémitisme européen sans en assumer vraiment les responsabilités,
  • masquer les conflits passés au profit d’une alliance géopolitique,
  • et surtout dessiner un « nous » contre « eux », en visant les musulmans.

Il est temps d’arrêter de brandir ce terme comme un étendard moral.
Le « judéo-christianisme » n’est pas un héritage. C’est une reconstruction opportuniste, qui cache mal les intérêts idéologiques qu’elle sert.

Christianisme, Croyances et Religions, Judaïsme
Manipulation, Politiques, Religions, Sionisme chrétien